Que se passe-t-il dans la tête d'un marin ? Quelle force l'attire vers la ligne d'horizon qui fuit éternellement ceux qui tentent de l'approcher ? Quelles rencontres avec soi, les autres et le monde recèlent ces voyages de loisir ou de compétition ? Quels plaisirs ponctuent ces routes de pleine liberté ? Quelles épreuves jalonnent ces errances maritimes dans un univers dénué de frontières ? Autant de questions qui trouvent ici réponses au travers d'une belle galerie d'aventures, d'anecdotes et de portraits dans lesquels marins et terriens puiseront matière à nourrir leurs rêves. Le tout servi par une parole profondément humaine qui mêle habilement l'humour à la réflexion.

Du rêve à quai au quai des rêves, il n'y a que l'espace d'un ponton. Après, c'est le grand large, rythmé par le claquement des voiles et le clapotis de l'eau...

En bas, où règne toujours une ambiance de sous-marin, les hommes coincés dans leur bannette attendent, un peu anxieux, que Phocéa se redresse. Les seuls jurons émanent de la cuisine. Depuis le départ, les deux cuistots se font fort de confectionner le petit déjeuner et les deux vrais repas chauds quotidiens, sans oublier le pain frais. Pour eux, il n'y a pas de raison que cela change... Cherchant à préserver un équilibre précaire sur un sol rendu glissant par les débordements des casseroles, ils tentent de rattraper les plats qui volent, les légumes qui fusent, les bocaux qui s'éclatent. Les deux hommes se réconfortent en jetant de temps en temps un oeil au répétiteur du speedo qui trône dans le carré. Rien de tel pour entretenir le moral. Contre vents et marés, le repas de midi sera quand même assuré. Au menu du jour : oeufs mimosa et canard aux navets.
Pendant ce temps, les échos d'autres turbulences éloignées parviennent à bord. Le téléphone satellite sonne de plus en plus fréquemment. De hautes personnalités cherchent à joindre « l'armateur ». Sans doute l'imaginent-elles dans son bureau, mais pour l'instant, il est comme tout le monde, accroché comme il peut dans la passerelle. « Allô, ici le secrétariat de Jean-Louis Bianco, secrétaire général de l'Élysée. Serait-il possible de joindre monsieur Tapie ? » Un peu plus tard : « Allô, M. Berégovoy souhaiterait joindre M.Tapie. Est-ce possible ? » Rien n'est évidemment impossible au rythme où nous vivons. Nous sommes dans un décalage totalement surréaliste. À Paris, les plus hautes instances se consacrent à la composition du deuxième gouvernement Rocard. Et le propriétaire de Phocéa est très sollicité. Mais il semble que ce soit plus un strapontin qu'un vrai fauteuil qu'on veuille bien lui offrir. Or l'animal - est-ce l'ambiance de record qui le porte ? - n'est pas prêt à accepter n'importe quoi. « Pour le moment je fais monter les enchères... », nous dit-il.

Quel labyrinthe ou quelle destinée poussa Jean-Luc Garnier à accoster au port des 3 Orangers ? Bien malin qui pourrait le dire, sinon peut-être Paul Éluard qui disait : Il n'y a pas de hasard, juste des rencontres.

Né d'une passion pour la mer et la voile, ce livre rapporte les émotions, sentiments et souvenirs d'un marin dont les plus belles heures furent celles celles du large.

Un récit à vif de belles heures passées en solitaire ou en équipage à la poursuite d'horizons marimitimes et personnels.

Jean-Luc GARNIER